• Ile lointaine

    Ile au nom qui unit, île lointaine,
    Dont le souvenir perdu
    Tente de remonter avec peine.
    Ô beauté d’exotisme ! Où te trouves-tu ?

    Mon cœur cherche les étendues de sable
    Les odeurs de sel caressent mes narines
    J’interroge de ciel,
    Sur ce soleil d’un éclatant capucine
    Sur cette mer, houle bleue indomptable.

    Les volcans tonnent leur grandeur
    La terre respire le parfum des fleurs
    Et des chants s’unissent à mon appel
    Pour qu’enfin je me souvienne d’elle,
    De cette île lointaine.

    Ile lointaine

    Irinadas


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  • Empreinte des mots

    Lorsque je déverse mon esprit dans leurs vers
    Et que leurs mots agrippent doucement ma peau
    Je bois à travers tant d’âmes une grande mer
    Un Voyage ailé à la surface des eaux

    Plus qu’un ciel brûlant d’étoiles qui explose
    C’est un hurlement de tempête en hiver
    Ils ouvrent le cœur mélancolique des roses
    Pour me montrer l’avenir d’un passé amère

    La plume caresse allègrement le papier
    Y laisse trace des plus vaillantes causes
    Éternelles deviennent à jamais les pensées
    De ces millions d’âmes qui dans les cieux reposent

    Irinadas


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  • Les lumières dans le ciel 4

    Dites-moi ce que vous pensez de ce dernier chapitre... Pour lire le chapitre 1 : ici

     

    LE POUVOIR D'EVE

        Une torche à la main, je traversai le champ. La nuit et ses bruits étranges ne m'atteignaient plus. Je courais à en perdre haleine, sans me soucier des égratignures que me causaient les tiges. Je cherchais la rivière en éclairant le chemin devant moi. J'avais quitté la table avec précipitation, sans explication ; mes parents avaient tenté de m'arrêter, criant que j'étais étrange ces temps-ci. Mais ils ne pouvaient pas comprendre.
        L'onde sombre apparut soudainement à la lumière de ma lampe. Je la suivis et trouvai le chêne robuste. Des gémissements s'élevaient de là. Je me précipitai. Elle était là. Elle m'attendait. 
        « EVE ! »
        La panthère noire gisait au sol, le flanc ensanglantée. Je m'agenouillai à ses côtés, les larmes coulant à flot sur mes joues rouges. Eve leva les yeux vers moi, des yeux pleins de soulagement. Je regardai la plaie béante, pleine de sang. Comment faire ?! Ici, nous étions trop exposées. Mon cœur battait la chamade. Je tentai de soulever Eve. Elle était lourde, mais par un miracle inexpliqué, j'arrivai à la porter. Ses pattes traînaient par terre, sa blessure semblait la faire souffrir, mais on devait se cacher. Bientôt, je l'avais entendu, les chasseurs reviendraient. Je pensais à la grotte ; nous y serions en sécurité.
        Je retrouvai facilement le chemin, je le reconnaissais même dans le noir à force d'y être si souvent allée. Je déposai le corps de la panthère avec délicatesse. Son souffle était rauque. Mes larmes ne cessaient pas. Pourtant, les yeux d'Eve essayaient de me consoler. Je me blottis à côté d'elle, puis caressai son pelage. Je cherchai quelque chose pour panser sa blessure, comme je l'avais lu dans les livres, mais ne trouvai que de grandes feuilles. Je m'allongeai à côté d'elle de nouveau.

        Deux jours durant, je m'occupai d'Eve avec soin. La faim me tiraillait. Je sortais de temps en temps pour boire au ruisseau juste dehors, et j'abreuvais Eve, mouillant ses lèvres qu'elle gardait obstinément closes. Je m'inquiétais pour mes parents, mais rien n'était plus important à cet instant que la vie de mon amie.
        Son état ne paraissait pas se dégrader. Mais il ne s'améliorait pas pour autant. Le soir, je ne pouvais pas dormir. Je remarquai, la première nuit, qu'Eve ne se transformait pas. J'en fus très inquiète ; pas de petite lumière, pas de luciole. Mon cœur se serrait. Alors je changeais son bandage. La plaie ne cicatrisait pas.

        Enfin, une nuit, l'espoir revint. Je m'étais endormie. Mais soudain, je sentis une douce chaleur. Je fus réveillée en sursaut. Deux petites sphères dorées voletaient autour du flanc de la panthère. J'écarquillai les yeux. Je m'approchai doucement. Une, deux, quatre de plus... Les lumières tournoyaient autour d'Eve, légères, elles se posaient délicatement sur la blessure. Eve remua. Je n'arrivais pas à fermer la bouche. Qu'est-ce qui se passait ? Était-elle en train de guérir ?

        Le lendemain, je sortis, rassurée, après avoir changé ses pansements, de voir que la plaie était cicatrisée. Ce devait-être le pouvoir du gardien de la forêt ! Je me dirigeai vers le ruisseau, puis observai l'horizon au loin. Je bus une petite gorgée d'eau. J'étais au sommet de la falaise qui m'avait donné le vertige la dernière fois, des souvenirs me remontaient doucement. Le vent s'engouffra dans mes cheveux blonds.
        Soudain, je vis du mouvement en bas. Je me penchai et sursautai :
        « Sarah !? Cria une voix familière.
        Des hommes sortirent des buissons. Il y avait mon père, essoufflé, Henri et deux de ses amis, armés de leurs fusils, et un autre homme, un de nos voisins, agriculteur il me semble. Ils étaient à ma recherche.
        - Sarah ! Que fais-tu là ! Descends !
        Je voulus m'enfuir, retourner auprès d'Eve pour la protéger. Mais ma tête se mit à tourner ; cela faisait trop longtemps que je n’avais pas mangé. Je fis des pas en avant, incontrôlés.
        - Attention ! 
        Soudain, le sol se déroba sous mes pieds. Je sentis mon corps tomber.
        - NON !
        Mon père se précipita au pied de la falaise, levant les bras. J'avais trébuché. Les hommes étaient affolés. Par miracle, je m'étais agrippée à la paroi de la falaise. Mes mains saignaient, mes bras étaient écorchés par les roches. Ma vue était trouble. Comment arrivais-je encore à tenir ? J'allai lâcher, je n'en pouvais plus !
        - Qu'est-ce que... ?!
        Henri braqua soudainement son fusil. Tout le monde resta muet.
        - Eve ? Murmurai-je.
        La panthère noire se tenait au dessus de moi. Elle jeta un regard perçant à Henri. Celui-ci crispa ses mains sur son arme. Ses jambes tremblèrent. Il l'abaissa finalement. Personne n'osait dire quoi que ce soit. Eve se pencha vers moi et m'attrapa par la manche. Elle tira en arrière, avec peine, elle tira et enfin, je remontai sur la terre ferme. Mon père souffla de soulagement.
        Je me levai, déstabilisée. Soudain, Henri reprit ses esprits et mit la panthère noire dans son viseur. Ses compagnons semblèrent réticents. Eve s'immobilisa, jaugeant si le chasseur allait vraiment tirer. Si j'avais eu encore la force, je me serais mise devant elle pour la protéger, mais je ne pouvais plus bouger.
        Mais, contre toute attente, notre deuxième voisin, le propriétaire des champs qui nous entouraient, un homme mal rasé, attrapa la crosse du fusil d'une main. Il lança un regard noir à Henri :
        - Qu'est-ce que vous faites ?!
        - Que voulez-vous dire... ?
        - Il n'y a pas de doutes pourtant ! C'est cette bête... Cet animal est le gardien de la forêt !
        - Le quoi ?!
        - Elle protège nos champs depuis la nuit des temps ! Et elle vient de sauver c'te petite ! Vous n’avez pas honte ! »
        Henri fonça les sourcils, regarda autour de lui nerveusement. Il comprit que cela ne servait à rien et renonça. Mon père tenta d'escalader la falaise, puis décida qu'il était plus judicieux de contourner la cascade.
        « Tu t'en vas ? Demandai-je à Eve en la voyant se retourner »
        Elle m'adressa un regard tendre ; j'y devinais son sourire chaleureux. Quand mon père arriva, elle était déjà partie.

        Plus tard, je pris goût à l'écriture. Je n'eus aucun doute concernant la première histoire que je voulais raconter : la légende du gardien. Je voulais immortaliser Eve, cet été magique, nos aventures... Lorsque je la fis lire à ma grand-mère, celle-ci la trouva très bien. Elle rétorqua néanmoins que je devrais retirer la phrase parlant de ses « rides ».
        Parfois, je retourne voir le grand chêne. L'odeur sauvage de la forêt me saisit comme autrefois et emplit mon esprit de souvenirs merveilleux. Alors, je sais, que non loin de là, de petits yeux me scrutent en secret ; ceux d'une petite fille ou d'une panthère noire. Le temps, l'âge, nous a séparé peu à peu. Eve, l'éternelle... figée dans le corps d'une enfant. Mais malgré tout, je sais... Je sais qu'elle m'aime, encore.


    FIN

    Irinadas


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  • Les lumières dans le ciel 3

    Hello ! Voici le chapitre 3 des lumières dans le ciel ! Pour lire le premier chapitre c'est ici !

     

    LA PANTHÈRE DE LA NUIT

     

        Le soir tomba. Mes parents étaient sûrement partis ; ils avaient du me chercher pendant des heures, en vain. La lune se cachait derrière les nuages. Les arbres remuaient ensemble, répondant au léger vent qui soufflait. Je ne pouvais rien voir dans cette obscurité. Alors je m'étais assise sur un rocher, désemparée. Mon ventre criait famine. J'avais les yeux rouges et des traces de larmes séchées sur tout le visage. J'essayais de me calmer, me disant que demain, peut-être, je retrouverai mon chemin plus facilement. Mais la forêt, la nuit, est très effrayante.
        Soudain, j'entendis un bruit. Léger, subtile, puis une sorte de ronronnement félin. Je bondis sur mes jambes, terrifiée. Je tentais depuis des heures de faire abstraction des nombreux cris qui transperçaient le silence et me glaçaient le sang. Un souffle... Je reculai, effrayée, tournai la tête dans tous les sens pour apercevoir ce qui se tapissait dans les buissons.
        Le souffle était plus fort. Il venait... d'en haut.
        Je levai la tête et me retournai brusquement. Deux grands yeux luisants m'observaient depuis une branche épaisse. La silhouette sauta sur le sol avec la grâce d'un chat. Je tombai à terre. Je fis des yeux ronds, non par effroi, mais parce-ce que j'étais subjuguée. L'animal avait un pelage ténébreux qui se fondait dans la nuit, mais je pouvais deviner son corps élancé et souple. C'était une panthère noire. Je n'en cru pas mes yeux. Qu'était-ce donc ? Un mirage ? Un rêve ? Je ne voyais qu'elle. Je ne pensais qu'à la beauté surréaliste du félin immobile. Ses yeux semblaient m'observer au plus profond de mon âme. C'était forcément lui...
        « Tu... Tu es le gardien ? Le gardien de la forêt ? »
        Ma voix dérailla un peu. La panthère cligna des yeux. Était-ce une réponse ?
        Soudain, sous mon regard ébahi, la panthère se mit à luire de mille feux. Un halo d'or l'enveloppa et bientôt je fus éblouie. Je fermai les yeux, me protégeant le visage des mains. Que se passait-il ? Cette lumière... Des millions de petites sphères lumineuses s'élevèrent du corps de l'animal, noyé par les rayons. C'étaient elles ! Les minuscules lucioles s'envolaient dans le ciel ; je pouvais les percevoir même si j'étais partiellement aveuglée.
        Quand je pus enfin rouvrir les paupières, je cherchai la panthère des yeux. C'était bien le gardien ! Mais quand je levai la tête, l'animal n'était plus là.

          Quoi ? Qu'est-ce que... ?
        « Eve ? Murmurai-je, m'apercevant que mon amie était devant moi, à l'endroit où la panthère se trouvait quelques secondes plus tôt.
        - Bonjour, Sarah... »
        Il me fallut quelques minutes pour réagir. Eve me souriait tendrement.
        « Mais... bredouillai-je. Tu... »
        La petite fille s'approcha de moi et me prit la main. Elle me conduisit, alors que j'étais encore stupéfaite, à la grotte, sa cachette.

        Il faisait un peu froid dans la caverne, la nuit. Eve hocha de la tête.
        « C'était vraiment toi !? Mais... tu m'as dit que tu ne connaissais pas le gardien ! »
        Je n'arrivais pas à croire qu'Eve soit le gardien de la forêt. Pourtant, c'était la panthère, les lumières s'étaient envolées comme toutes ces nuits, et l'animal s'était métamorphosé. Eve était apparue. Il n'y avait pas d'autre explication. Mais, elle avait presque mon âge ! Cela amusait mon amie. Elle ne parlait pas beaucoup, acquiesçait surtout. Peut-être étais-je la première personne qui découvrait son secret ? Alors elle habitait dans la forêt.
        « Qu'est-ce que tu fais ici, Sarah ? Tu t'es perdue ?
        - Oui...
        - Je te ramènerai demain... Repose-toi ce soir... »
        Rassurée, je ne pus malgré cela dormir tout de suite. Nous discutâmes encore quelques minutes. Eve m'expliqua qu'elle vivait depuis toujours ici, seule. J'en fus un peu attristée. Elle se transformait chaque nuit, passant d'une forme animale à une forme humaine, alternativement. Quand cela se produisait, des lumières dorées s'élevaient dans le ciel. C'était réellement magique ! Je n'arrêtais pas de lui poser des questions. Enfin, complètement vidée de mes forces, je m'endormis au milieu de la conversation.

        Le lendemain matin, mes parents furent surpris de me voir à la maison. Je crus que ma mère allait faire une crise cardiaque. Ils avaient fait appel à la police pour me retrouver. Après de très, très longs câlins et des millions de bisous, je pus enfin respirer. Mon père tenta de me sermonner, mais sa voix cassée trahissait son émotion. Moi, j'avais l'esprit ailleurs. Il n'avait pas quitté la forêt, Eve. Dès l'aube, elle m'avait reconduit chez moi. Grand-mère remarqua cette absence. Quand nous fûmes seule, elle voulut me tirer les vers du nez :
        « Que s'est-il réellement passé ? »
        Après le lui avoir raconté, même elle, eut du mal à le croire. Mais je ne lui en voulais pas ; elle était quand même fascinée, buvant mon histoire avec intensité.
        « Cette Eve me paraît être une personne merveilleuse... conclut-elle. »
        
        Les semaines qui suivirent, je me rendis souvent à la forêt. Eve et moi avions décidé de nous retrouver au pied du grand chêne. Nous passions des journées entières ensemble, à jouer dans les bois, à les parcourir de long en large, et à rire. Mes parents étaient surpris de me voir autant sortir ; je leur disais que j'allais m'amuser avec une amie, ce qui était la vérité.
        Quand j'arrivais le matin, elle était déjà là. J'essayais à chaque fois de m'y rendre plus tôt, mais elle était toujours là. Un jour, elle était Eve la petite fille, un autre c'était Eve la panthère. J'avais du mal à suivre le félin, car il était plus grand et puissant. Eve pouvait bondir d'une branche à l'autre avec tellement de facilité !

        L'été s'écoulait paisiblement. Mes journées étaient bien remplies et j'en apprenais toujours plus sur Eve. Parfois, elle était taciturne, et je me demandais quel âge elle avait vraiment ; il lui semblait avoir passé une éternité dans cette forêt. Le mythe du gardien était très ancien. Depuis combien de temps vivait-elle là ? Puis, le moment d'après, elle affichait un sourire tendre. Elle savait aussi rire aux éclats.
        Mais les vacances arrivaient bientôt à leurs termes. Je dus reprendre le chemin de l'école. Le premier jour, j'oubliai de prévenir Eve. A la fin de la journée, je courus au chêne et arrivai essoufflée.
        « Pourquoi tu n'es pas venue ? Fit-elle avec tristesse. »
        Je lui expliquai. Malgré tout, nous décidâmes de nous voir en fin d'après-midi, chaque jour. Cela fonctionnait aussi, même si nous étions bien agacée par cette histoire. Au fil des mois, la chaleur laissa peu à peu place à l'humidité et au froid.

        Mais un jour, alors que j'étais excitée et m'étais dépêchée de sortir de l'école, Eve ne vint pas. Je l'attendis pendant plusieurs heures. Lorsque le soir fut tombé, je dus rentrer chez moi, un pincement au cœur. Les feuilles d'automne virevoltaient dans les airs et formaient un tapis sur le sol, elles gémissaient comme le faisaient mon âme. Pourquoi ? J'espérai alors que ce ne soit qu'une journée isolée, mais j'avais ce pressentiment... Le lendemain, le surlendemain, elle ne vint plus sous l'arbre. J'avais la gorge nouée. Eve avait disparu.
        Une nuit, je fus très tourmentée, je n'arrêtais pas d'y penser, et je ne pus trouver le sommeil. Je passai une nuit blanche. C'est alors que quelque chose me frappa ; j'avais gardé les yeux rivés sur la forêt tout en pensant à Eve, presque la nuit entière. A l'heure où les lumières, d'ordinaires, s'élevaient dans le ciel, la nuit resta complètement noire. J'en fus pétrifiée. Mon cœur s'arrêta : Eve avait-elle quitté la forêt ?

        « Reprends-en donc Henri !
        - Merci, la prochaine fois, c'est nous qui vous invitons ! »
        Mon père avait encore invité Henri. Cette fois-ci, seule sa femme dînait avec nous. Le chasseur paraissait comblé de joie, il buvait à grande gorgée et parlait fort. Ses pommettes avaient rougies. J'étais ailleurs. Plusieurs fois, je crois, on m'a posé des questions auxquelles je n'ai pas prêté attention. Mais soudain, un mot me sortit de mes rêves :
        « Je pense retourner dans les bois avec les autres...
        - Vous n'avez pas rattrapé la bête ?
       - Eh bien, on l'a touché... Elle est blessée, mais elle a réussi à s'échapper... Tu te rends compte ! Cet animal est magnifique ! Comment a-t-il pu se retrouver dans cette forêt ?
        Ma mère demanda :
        - Quel animal ?
        - Une panthère ! » S'exclama mon père.

    A suivre...


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  • Les lumières dans le ciel 2

    Coucou ! Avez-vous apprécié le début de cette histoire ? Comme promis, la suite ^^ Les lumières dans le ciel : chapitre 2 !

    Bonne lecture :)

     

    LE GRAND CHÊNE

        Les tiges de céréales m'effleuraient le visage pendant ma course. Elles étaient toutes plus hautes que moi. Le vent secouait mes cheveux blonds et des graines s'y accrochaient, les emmêlant encore plus. J'avais l'impression de braver tous les interdits en traversant ce champ, laissant une trace de mon passage derrière moi, je sentais venir l'aventure. C'était encore mieux que mes histoires.
        Avant de m'en rendre compte, j'étais devant la forêt. Je me retournai pour admirer le village ; l'église dépassait des vieilles maisons espacées. Puis, je revins aux bois. D'ici, ils me paraissaient moins sombres. Les arbres n'avaient pas un feuillage très dense et laissaient passer des filets de lumière. Je sautai sur une pierre, puis une autre, et longeai l'orée des bois de peur de trop m'éloigner. Je me penchai pour cueillir des fleurs qui poussaient par-ci par-là, observai ce qui m'entourait comme si je découvrais le monde pour la première fois. Peut-être était-ce le cas ?
        Enfin, j'aperçus une rivière. Son eau était limpide, son courant, tumultueux, fendu par des rochers ancrés dans son lit, et le son de sa course résonnait avec les chant des oiseaux qui batifolaient. Pour moi, c'était une vision idyllique de la nature, la représentation de ce que j'avais lu dans les livres, vu sur les illustrations.
        Puisque le cours d'eau s'enfonçait dans la forêt, je décidai de le suivre. Je n'avais alors pas peur de me perdre. Je sautillais tout en m'amusant à chercher le petit peuple de la forêt, en vain, car il se cachait bien. A un moment, je crus voir un mulot, mais je distinguai seulement sa silhouette qui se précipita sous terre telle une flèche.
        La rivière serpentait entre les arbres. Parfois, il y avait des rapides. La voir s'écouler ainsi me donnait soif, si bien que ma bouteille fut bientôt à moitié vide. La chaleur m'exténuait. Pourtant, je continuais à marcher. Qu'est-ce que je souhaitais trouver ? Je pense que la curiosité d'un enfant ne se pose pas de telles questions. Elle se contente de le pousser.

        Après quelques minutes, je m'arrêtai. Un grand chêne solitaire attira mon regard. Il avait des racines puissantes, sortant de terre, et des branchages s'étendant vers le ciel. Ses feuilles d'un vert très sombre reflétaient les rayons du soleil et les dispersaient tout autour de lui ; on aurait dit qu'il était l'étoile qui illuminait la forêt. La rivière dessinait une courbe à gauche, et s'éloignait du géant.
        C'est à ce moment là que je l'aperçus pour la première fois. Elle était adossée au vieux tronc du chêne, à l'ombre, et se reposait la tête appuyée contre une racine. Elle devait être endormie depuis longtemps ; un papillon s'était posé sur son visage serein. Immobile, j'observais avec curiosité la petite fille. Elle avait certainement mon âge, aux alentours de onze ans. Elle portait une robe blanche déchirée et avait les pieds nus. Son teint était halé, ses cheveux d'un noir d'ébène, décoiffés. Elle avait des bras et des jambes menus. Le papillon s'envola.
        « Qui es-tu ?
        Je sursautai. La petite fille me dévisageait avec de grands yeux noirs. Elle se releva. Nous étions figée, l'une comme l'autre. Je fis le premier pas, m'approchant doucement d'elle.
        - Je m'appelle Sarah...
        La petite marqua un temps de silence, sans réagir à mon mouvement. Puis, ses traits se radoucirent. Elle avait alors un visage rond, un petit nez, qui la rajeunissait encore plus.
        - Mon nom est Eve.
        Nous nous regardâmes dans les yeux pendant un long moment. Puis, peu à peu, ces regards intenses qui exprimaient beaucoup nous délièrent les langues. Nous nous assîmes à côté, aux pieds de l'arbre royal.
        - Tu habites dans le village ?
        - Oui... Et toi ?
        Eve étouffa un petit « non ». Elle expliqua qu'elle vivait non loin de là, à l'opposé. Ce qu'elle me disait était confus, mais je n'y prêtai pas attention ; j'étais trop heureuse d'avoir rencontré quelqu'un.
        - Tu viens souvent ici ? Demandai-je avec un oeil pétillant.
        - Oui ! Je pourrais te montrer pleins d'endroits que j'ai découvert ! »
        L'enthousiasme soudain d'Eve me surprit. Son air taciturne s'effaça ; elle m'attrapa vigoureusement la main.

        Nous avions quitté le trajet de la rivière. Le pas confiant d'Eve me rassurait néanmoins. Nous marchions l'une derrière l'autre, et parfois ma nouvelle amie s'arrêtait pour me montrer quelque chose ; un insecte étrange, ou encore une fleur violette, un nid d'oiseau, un terrier bien caché... Ce qui me fascinait le plus, c'était le nouvel univers dans lequel j'avais atterri ; en plein coeur des bois, les animaux ne se dissimulaient plus. Une belette, un renard, un animal difforme qui m'était inconnu... Eve riait à chaque fois que j'en remarquais un et que je m'exclamais.
        Nous grimpions, descendions, glissions... La forêt était devenue notre terrain de jeu. Un terrain qu'Eve semblait connaître par coeur. Si elle en savait autant...
        « Dis, tu connais la légende du gardien de la forêt ?
        - Le gardien ?
        - Oui... Ma grand-mère m'a raconté que c'est de lui que viennent les lumières dorées du soir... Je pensais que...
        - Non... »    
        Enfin, Eve s'arrêta. Nous étions devant une petite cascade. Elle provenait d'un ruisseau situé en hauteur, assez haut pour que cela me donne le vertige. Eve pointa la falaise du doigt (à mon âge, le mur de la cascade me semblait gigantesque).
        « Là-haut, dit-elle en me regardant, il y a une très bonne cachette. »
        Je me demandais comment nous pourrions monter. Heureusement, Eve connaissait un chemin qui contournait la cascade et qui n'était pas trop pentu.

        C'était une petite grotte. Elle était humide et profonde, mais par un temps aussi sec l'air y était agréable. Nos voix résonnaient. J'étais émerveillée ; c'était la première fois que je voyais un endroit pareil. Eve s'allongea par terre. J'en fis de même, fatiguée du chemin que nous avions parcouru. En effet, cette cachette était confortable, on s'y sentait en sécurité. Je me laissai happer par le sommeil aux côté de ma nouvelle et première amie.

        - SARAH ! Mais où étais-tu passée ?!
        Les yeux furibonds de ma mère jetaient des éclairs. Elle était à la fois soulagée et très mécontente. La lune était déjà haute dans le ciel et les lampadaires éclairaient la rue sombre. Je n'avais pas vu le temps passer. Je m'étais assoupie un long moment, avant d'être réveillée par Eve, qui me montrait le soleil se cachant derrière les montagnes. J'avais du courir après elle pour rentrer à la maison. D'ailleurs, pour sa petite taille, elle est extrêmement rapide et agile. Eve était restée dans la forêt et m'avait dit qu'elle habitait de ce côté là, m'indiquant, bizarrement, les profondeurs de la forêt. Peut-être y avait-il un village plus loin ?
        Je m'excusai auprès de mes parents. J'avais été, selon eux, très imprudente. A table, ils me firent les mêmes remontrances en boucle. Grand-mère était là aussi, en bout de table. Quant à son regard, plutôt qu'être empli de reproches, il était curieux. Mon père s'agita :
        - Au lieu de vagabonder comme une sauvage, tu devrais aller rendre visite aux filles d'Henri (il parlait de son ami chasseur) !
        - C'est parce-qu'elle passe trop de temps dans son monde imaginaire qu'elle ne veut pas ! Ajoutait ma mère.
        Puis, voyant que j'étais agacée, ma grand-mère prit la parole. Sa voix surnaturelle, car entendue trop rarement, invoqua le silence.
        - Si Sarah aime tant la forêt, pourquoi n'irions nous pas déjeuner là-bas ce week-end ?
        Un large sourire illumina mon visage, ce qui n'échappa guère à mamie, fière d'elle. Mes parents froncèrent les sourcils.
        - Hum... Pourquoi pas, faire un pique-nique dans une clairière...
        Cette idée m'enchanta.

        Il fallut attendre une semaine. Le mercredi, mon père invita les voisins à dîner. Le chasseur, Henri, accompagné de sa femme et de ses deux charmantes fillettes. Elles étaient beaucoup plus petites que moi et pourtant nous avions la même taille. Je n'aimais pas le sourire complice qu'elles arboraient constamment, comme si elles préparaient toujours un mauvais coup. Il faut dire qu'au cours de la soirée, je découvris qu'elles n'étaient pas si terribles que je l'avais imaginé. Mais j'avais néanmoins une mauvaise impression à cause du traitement horrible qu'elles avaient fait subir à ce chat, l'autre fois. L'ami de mon père était aussi sympathique. C'était un homme aux larges épaules et à la barbe épaisse, l'apparence typique du chasseur, si ce n'est clichée. Il avait un nez proéminent, une bouche aux lèvres sèches et des pommettes saillantes. Mon père lui demanda si la forêt était sûre, pour s'y promener, car il n'avait pas la moindre envie de rencontrer des bêtes non répertoriées.
        « Ah oui, pas d'inquiétude ! Suivez le sentier et tout ira bien ! Il y a bien une rumeur qui court, sur un animal sauvage... Mais y a aucun danger, je vais tous les jours dans cette forêt, lorsque la saison est ouverte, et je t'assure que rien de méchant n'y vagabonde ! »
        Mon père tressaillit lorsque Henri mentionna cet « animal sauvage ». Il ricana nerveusement. Après tout, lui aussi avait toujours vécu en ville, c'était un citadin.

        Enfin, samedi arriva. Nous nous rendîmes aux alentours de midi dans la forêt. Je ne savais pas qu'il y avait un parcourt aménagé pour les visiteurs ; il y avait une entrée principale. Mais je préférais de loin l'univers sauvage et indompté que j'avais découvert avec Eve. D'ailleurs, la révérai-je ? Cette idée me trottait dans la tête.
        Nous nous installâmes sur une surface assez plate pour manger. Ma mère avait préparé des sandwichs. Ma grand-mère avait du rester à la maison, mon père ayant refusé qu'elle nous accompagne, parce-que selon-lui, c'était trop aventureux pour elle.. Elle en avait été offusquée. Mais peut-être avait-il eu raison ? J'aurai tout de même préféré qu'elle soit avec nous...
        Une heure plus tard, tout le monde somnolait. La chaleur accablait ma mère qui avait mis un chapeau de paille sur son visage. Nous nous étions pourtant placés à l'ombre, mais celle-ci s'était déplacée. Enfin, quelques minutes plus tard, j'étais la seule à être encore éveillée. Alors, une idée me traversa l'esprit ; je voulais retrouver ce chêne. Oui, si je pouvais y retourner, peut-être qu'Eve y serait encore ? Je me mis en route, suivant le sentier et cherchant la rivière des yeux, mon seul repère.

        Je marchais depuis trente minutes. J'avais les cheveux trempés de sueur. Mes mains tremblaient. Je m'étais écartée du chemin, croyant reconnaître un endroit familier, mais je m'étais trompée ; tout se ressemblait ici ! Au final, j'avançais à l'aveuglette. J'essayais de ne pas paniquer mais c'était difficile. J'avais une boule grandissante à l'estomac. Je pensais que je pourrais retrouver la route après quelques temps, mais ce ne fut pas le cas. J'étais perdue.
        Je commençai à crier. J'appelai mes parents. J'appelai ma grand-mère. Puis, au bout d'un moment, n'importe-qui aurait fait l'affaire. Je courrai, puis j'avais l'impression de ramper tellement mes membres étaient lourds. Épuisée, à bout de force, je tombai de tout mon poids sur le sol mousseux et humide et me mis en boule. Des larmes ruisselèrent sur mes joues. Je me rendis soudain compte de ma situation. Qu'allais-je faire ?

    A suivre...


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