• Les lumières dans le ciel 4

    Les lumières dans le ciel 4

    Dites-moi ce que vous pensez de ce dernier chapitre... Pour lire le chapitre 1 : ici

     

    LE POUVOIR D'EVE

        Une torche à la main, je traversai le champ. La nuit et ses bruits étranges ne m'atteignaient plus. Je courais à en perdre haleine, sans me soucier des égratignures que me causaient les tiges. Je cherchais la rivière en éclairant le chemin devant moi. J'avais quitté la table avec précipitation, sans explication ; mes parents avaient tenté de m'arrêter, criant que j'étais étrange ces temps-ci. Mais ils ne pouvaient pas comprendre.
        L'onde sombre apparut soudainement à la lumière de ma lampe. Je la suivis et trouvai le chêne robuste. Des gémissements s'élevaient de là. Je me précipitai. Elle était là. Elle m'attendait. 
        « EVE ! »
        La panthère noire gisait au sol, le flanc ensanglantée. Je m'agenouillai à ses côtés, les larmes coulant à flot sur mes joues rouges. Eve leva les yeux vers moi, des yeux pleins de soulagement. Je regardai la plaie béante, pleine de sang. Comment faire ?! Ici, nous étions trop exposées. Mon cœur battait la chamade. Je tentai de soulever Eve. Elle était lourde, mais par un miracle inexpliqué, j'arrivai à la porter. Ses pattes traînaient par terre, sa blessure semblait la faire souffrir, mais on devait se cacher. Bientôt, je l'avais entendu, les chasseurs reviendraient. Je pensais à la grotte ; nous y serions en sécurité.
        Je retrouvai facilement le chemin, je le reconnaissais même dans le noir à force d'y être si souvent allée. Je déposai le corps de la panthère avec délicatesse. Son souffle était rauque. Mes larmes ne cessaient pas. Pourtant, les yeux d'Eve essayaient de me consoler. Je me blottis à côté d'elle, puis caressai son pelage. Je cherchai quelque chose pour panser sa blessure, comme je l'avais lu dans les livres, mais ne trouvai que de grandes feuilles. Je m'allongeai à côté d'elle de nouveau.

        Deux jours durant, je m'occupai d'Eve avec soin. La faim me tiraillait. Je sortais de temps en temps pour boire au ruisseau juste dehors, et j'abreuvais Eve, mouillant ses lèvres qu'elle gardait obstinément closes. Je m'inquiétais pour mes parents, mais rien n'était plus important à cet instant que la vie de mon amie.
        Son état ne paraissait pas se dégrader. Mais il ne s'améliorait pas pour autant. Le soir, je ne pouvais pas dormir. Je remarquai, la première nuit, qu'Eve ne se transformait pas. J'en fus très inquiète ; pas de petite lumière, pas de luciole. Mon cœur se serrait. Alors je changeais son bandage. La plaie ne cicatrisait pas.

        Enfin, une nuit, l'espoir revint. Je m'étais endormie. Mais soudain, je sentis une douce chaleur. Je fus réveillée en sursaut. Deux petites sphères dorées voletaient autour du flanc de la panthère. J'écarquillai les yeux. Je m'approchai doucement. Une, deux, quatre de plus... Les lumières tournoyaient autour d'Eve, légères, elles se posaient délicatement sur la blessure. Eve remua. Je n'arrivais pas à fermer la bouche. Qu'est-ce qui se passait ? Était-elle en train de guérir ?

        Le lendemain, je sortis, rassurée, après avoir changé ses pansements, de voir que la plaie était cicatrisée. Ce devait-être le pouvoir du gardien de la forêt ! Je me dirigeai vers le ruisseau, puis observai l'horizon au loin. Je bus une petite gorgée d'eau. J'étais au sommet de la falaise qui m'avait donné le vertige la dernière fois, des souvenirs me remontaient doucement. Le vent s'engouffra dans mes cheveux blonds.
        Soudain, je vis du mouvement en bas. Je me penchai et sursautai :
        « Sarah !? Cria une voix familière.
        Des hommes sortirent des buissons. Il y avait mon père, essoufflé, Henri et deux de ses amis, armés de leurs fusils, et un autre homme, un de nos voisins, agriculteur il me semble. Ils étaient à ma recherche.
        - Sarah ! Que fais-tu là ! Descends !
        Je voulus m'enfuir, retourner auprès d'Eve pour la protéger. Mais ma tête se mit à tourner ; cela faisait trop longtemps que je n’avais pas mangé. Je fis des pas en avant, incontrôlés.
        - Attention ! 
        Soudain, le sol se déroba sous mes pieds. Je sentis mon corps tomber.
        - NON !
        Mon père se précipita au pied de la falaise, levant les bras. J'avais trébuché. Les hommes étaient affolés. Par miracle, je m'étais agrippée à la paroi de la falaise. Mes mains saignaient, mes bras étaient écorchés par les roches. Ma vue était trouble. Comment arrivais-je encore à tenir ? J'allai lâcher, je n'en pouvais plus !
        - Qu'est-ce que... ?!
        Henri braqua soudainement son fusil. Tout le monde resta muet.
        - Eve ? Murmurai-je.
        La panthère noire se tenait au dessus de moi. Elle jeta un regard perçant à Henri. Celui-ci crispa ses mains sur son arme. Ses jambes tremblèrent. Il l'abaissa finalement. Personne n'osait dire quoi que ce soit. Eve se pencha vers moi et m'attrapa par la manche. Elle tira en arrière, avec peine, elle tira et enfin, je remontai sur la terre ferme. Mon père souffla de soulagement.
        Je me levai, déstabilisée. Soudain, Henri reprit ses esprits et mit la panthère noire dans son viseur. Ses compagnons semblèrent réticents. Eve s'immobilisa, jaugeant si le chasseur allait vraiment tirer. Si j'avais eu encore la force, je me serais mise devant elle pour la protéger, mais je ne pouvais plus bouger.
        Mais, contre toute attente, notre deuxième voisin, le propriétaire des champs qui nous entouraient, un homme mal rasé, attrapa la crosse du fusil d'une main. Il lança un regard noir à Henri :
        - Qu'est-ce que vous faites ?!
        - Que voulez-vous dire... ?
        - Il n'y a pas de doutes pourtant ! C'est cette bête... Cet animal est le gardien de la forêt !
        - Le quoi ?!
        - Elle protège nos champs depuis la nuit des temps ! Et elle vient de sauver c'te petite ! Vous n’avez pas honte ! »
        Henri fonça les sourcils, regarda autour de lui nerveusement. Il comprit que cela ne servait à rien et renonça. Mon père tenta d'escalader la falaise, puis décida qu'il était plus judicieux de contourner la cascade.
        « Tu t'en vas ? Demandai-je à Eve en la voyant se retourner »
        Elle m'adressa un regard tendre ; j'y devinais son sourire chaleureux. Quand mon père arriva, elle était déjà partie.

        Plus tard, je pris goût à l'écriture. Je n'eus aucun doute concernant la première histoire que je voulais raconter : la légende du gardien. Je voulais immortaliser Eve, cet été magique, nos aventures... Lorsque je la fis lire à ma grand-mère, celle-ci la trouva très bien. Elle rétorqua néanmoins que je devrais retirer la phrase parlant de ses « rides ».
        Parfois, je retourne voir le grand chêne. L'odeur sauvage de la forêt me saisit comme autrefois et emplit mon esprit de souvenirs merveilleux. Alors, je sais, que non loin de là, de petits yeux me scrutent en secret ; ceux d'une petite fille ou d'une panthère noire. Le temps, l'âge, nous a séparé peu à peu. Eve, l'éternelle... figée dans le corps d'une enfant. Mais malgré tout, je sais... Je sais qu'elle m'aime, encore.


    FIN

    Irinadas

    « Les lumières dans le ciel 3Empreinte des mots »

    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    1
    Jeudi 7 Mai 2015 à 14:59

    C'est une très jolie histoire, émouvante et touchante.

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    2
    Jeudi 7 Mai 2015 à 19:55

    Merci :) Ton commentaire me fait plaisir ^^

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :